jeudi 15 mars 2012

Fragments de Mondes : Hégémonia


Hégémonia

            Première entrée. Décembre 6112 , Frontière Astrale. Dix mois après l’invasion.

            Ils vinrent en masse. Les Démons nous débordèrent. Nous n’avions pas l’ombre d’une chance. Ils déchiquetèrent nos maigres défenses, vague de chaos emportant tout sur son passage funèbre. Les quelques heureux survivants décampèrent sans demander leur reste.
            Je fus un de ces miraculés. Je me demande encore si c’est une bonne chose.  Un pauvre hère à la dérive, condamné à errer de ville en ville. À survivre. Ignorant de ce que le lendemain lui réserve. Le peuple ne me montra guère de charité. La décadence de ce monde, de cette galaxie, les a rendus cruels autant qu’indifférents à ce qu’il se passe au-delà de leurs cocons de confort, loin de leurs vies parfaites. Ils ne sont pas exactement l’incarnation de la charité.
            Il faut dire aussi que je n’avais pas fait beaucoup d’effort quant à mon apparence. Trop occupé à ne pas mourir.  Uniforme déchiré, cheveux gras en bataille, pansements sales… Et l’odeur, surtout. L’hygiène est quelque chose de préoccupant quand on ne dispose pas de quoi filtrer l’eau. Qui se baignerait dans un de ces fleuves souillés par notre pollution depuis aussi longtemps que l’on s’en souvienne ? Pas moi, en tous cas. Et puis, qui diable déciderait de porter secours à un militaire ? Les militaires sont démodés, tombés en désuétude. Du moins ils l’étaient, dans un monde dénué de guerre. Guerre censément perdue dès le début, avant même qu’elle ne soit déclarée.
            Et pourtant me revoilà à la Frontière, à déballer mon équipement en prenant mon petit déjeuner, en compagnie de mes frères déserteurs. Car j’ai fait une découverte, voyez-vous. Une trouvaille importante, décisive, parmi les décombres de ce que fut jadis notre glorieuse capitale. Et qui pourrait très bien changer le cours de l’histoire, pour le meilleur ou pour le pire. J’ai un plan. Il peut sans doute paraître insensé à certains, mais personne n’a de meilleure idée.  Nous sommes tous désespérés, éreintés par de longs mois d’ordalie. Et nous n’avons pas le choix.
            Est-ce la promesse du renouveau de notre civilisation, ou bien allons nous tous nous détruire, démons compris, ici et maintenant ? Nous ne sommes qu’une petite bande de soldats désordonnés à présent. Le plus haut gradé n’est qu’un jeune sergent sans expérience, malgré sa fougue et son courage. Nos réserves sont maigres, nos nerfs à fleur de peau. La peur ronge peu à peu nos esprits affaiblis.
            Mais la providence est avec nous. Je le sais. Je le sens. J’ai confiance en l’avenir. C’est la seule chose qui nous reste : l’espoir.
            Les autres m’appellent. Je dois poser ma plume et croiser les doigts. Oui, il est temps.
            Temps de jouer avec la mort.

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