Hégémonia
Première
entrée. Décembre 6112 , Frontière Astrale. Dix mois après l’invasion.
Ils
vinrent en masse. Les Démons nous débordèrent. Nous n’avions pas l’ombre d’une
chance. Ils déchiquetèrent nos maigres défenses, vague de chaos emportant tout
sur son passage funèbre. Les quelques heureux survivants décampèrent sans
demander leur reste.
Je
fus un de ces miraculés. Je me demande encore si c’est une bonne chose. Un pauvre hère à la dérive, condamné à errer
de ville en ville. À survivre. Ignorant de ce que le lendemain lui réserve. Le
peuple ne me montra guère de charité. La décadence de ce monde, de cette
galaxie, les a rendus cruels autant qu’indifférents à ce qu’il se passe au-delà de
leurs cocons de confort, loin de leurs vies parfaites. Ils ne sont pas
exactement l’incarnation de la charité.
Il
faut dire aussi que je n’avais pas fait beaucoup d’effort quant à mon
apparence. Trop occupé à ne pas mourir.
Uniforme déchiré, cheveux gras en bataille, pansements sales… Et l’odeur,
surtout. L’hygiène est quelque chose de préoccupant quand on ne dispose pas de quoi
filtrer l’eau. Qui se baignerait dans un de ces fleuves souillés par notre
pollution depuis aussi longtemps que l’on s’en souvienne ? Pas moi, en
tous cas. Et puis, qui diable déciderait de porter secours à un militaire ?
Les militaires sont démodés, tombés en désuétude. Du moins ils l’étaient, dans un monde
dénué de guerre. Guerre censément perdue dès le début, avant même qu’elle ne
soit déclarée.
Et
pourtant me revoilà à la Frontière, à déballer mon équipement en prenant mon
petit déjeuner, en compagnie de mes frères déserteurs. Car j’ai fait une découverte,
voyez-vous. Une trouvaille importante, décisive, parmi les décombres de ce que
fut jadis notre glorieuse capitale. Et qui pourrait très bien changer le cours
de l’histoire, pour le meilleur ou pour le pire. J’ai un plan. Il peut sans
doute paraître insensé à certains, mais personne n’a de meilleure idée. Nous sommes tous désespérés, éreintés par de
longs mois d’ordalie. Et nous n’avons pas le choix.
Est-ce
la promesse du renouveau de notre civilisation, ou bien allons nous tous nous
détruire, démons compris, ici et maintenant ? Nous ne sommes qu’une petite
bande de soldats désordonnés à présent. Le plus haut gradé n’est qu’un jeune
sergent sans expérience, malgré sa fougue et son courage. Nos réserves sont
maigres, nos nerfs à fleur de peau. La peur ronge peu à peu nos esprits
affaiblis.
Mais
la providence est avec nous. Je le sais. Je le sens. J’ai confiance en l’avenir. C’est
la seule chose qui nous reste : l’espoir.
Les
autres m’appellent. Je dois poser ma plume et croiser les doigts. Oui, il est
temps.
Temps
de jouer avec la mort.
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