vendredi 24 février 2012

Marshmallows


[ Petits textes écrits durant mon atelier d'écriture favori, lesdits ateliers dirigés d'une main de maître pas mon mentor favori, le grand Momospleen. Je les ai légèrement remastérisés à la maison, mais dans l'ensemble ils ne diffèrent guère des originaux. J'en mettrai d'autres plus tard pour votre plus grand plaisir. Enjoy. ]


Kaléidoscope

Ombre douce et silencieuse, je glisse et je voyage
À travers les peines, à travers l’espoir
Œil omniscient et impartial, je me gorge d’images ;
Celles d’un monde de pénombres, où s’écrit l’Histoire.

De villes en forêts, au gré de mon affection
Tant de choses accrochent mon regard
Je vole, je contemple et je tourne en rond
Parfois le destin est le plus rapide, il n’y a plus rien à voir.

De toutes les merveilles, ma préférée est l’Humanité
Cette force qui tisse l’avenir
Capable d’horreur autant que de charité,
Pluie et soleil, haines et plaisirs.

En elle, je vois la vie et le malheur
Sous un manteau de chagrin, mille voiles de peur.


Une journée ordinaire

Une journée bien ordinaire pour l’Empereur
Se lever, s’habiller, déjeuner de bonne heure.
Un empire ne se gouverne pas avec le cœur
Un mot d’un seul homme, et mille autres meurent.

Une journée bien ordinaire pour la servante
S’extirper de la paillasse avant que les oiseaux ne chantent
Nettoyer le palais, il ne faut pas être lente
Préparer le repas avant que le Maître ne rentre.

Une journée bien ordinaire pour le mendiant
Sortir d’un sommeil qui n’eut rien de reposant
Trouver un bon endroit, au sec, à l’abri du vent
Et attendre, attendre la bonté des passants.

Une journée ordinaire, quelque part dans l’univers.

"Dans la peau d’un animal"

            Un soir d’hiver, glacial et paisible. Dehors, au-delà de ma fenêtre battue par d’incessantes rafales de pluie, le tonnerre gronde et les éclairs fendillent le ciel, illuminant de leurs fourches la ville enténébrée, l’espace d’un battement de cœur.
            Pas une âme ne parcours les rues. Personne n’est assez fou pour s’y aventurer. Non pas qu’ils aient le choix, soit dit en passant. Ces heures-là sont interdites. La nuit, les Ombres rôdent, errant au gré du vent, attirées par la chaleur des mortels. Parfois, leur cortège funèbre vient frôler les runes de bannissement de nos demeures, produisant de vives étincelles accompagnées de cris déchirants autant qu’inhumains.
            Avec un bâillement, je ferme le livre que je suis en train de lire et le pose sur la table de chevet en marbre bleu, à ma droite. Un roman captivant, regorgeant de féerie. Un monde avec une seule lune, des animaux qui ne parlent pas, des journées plus longues que les nuits… Tant de fantaisie dans ces mondes d’encre et de papier. Mais le sommeil me gagne. M’abandonnant à la douce torpeur qui m’envahit, à l’abri de la nuit et ses horreurs, je souffle ma bougie et  ferme les yeux.

            Mes paupières sont si lourdes, j’ai la plus grande peine du monde à les ouvrir. Était-ce déjà le matin ? Les oiseaux chantent et un soleil faiblard caresse et réchauffe ma fourrure. Ma fourrure ?
            Tout me revint en mémoire, en un torrent en furie de souvenirs aveuglants.
            Le chasseur. La panique. La fuite éperdue, pour éloigner ces dispenseurs de mort de mes petits. Eux, l’avenir de la meute. La flèche qui vient se loger dans mon flanc. La douleur, pareille à mille coups de griffe.
            Et le sommeil. Un long sommeil, peuplé d'images d’un autre monde. Un monde étrange, où rien n’est comme il faut.
            Mais ici, où tout est normal, la vie continue. Et mon sang coule, fumant au contact de la neige immaculée, la teintant d’un sang cramoisi et poisseux. Il faut se relever. Le chasseur a sûrement suivi mes traces, tandis que je visitais une autre réalité. Aux portes de la mort, pas de temps pour les rêves.
            Car je ne suis pas une rêveuse.
            Je suis une louve.

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